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Je suis un astrolabe

Je suis fait de sym­boles. Le soleil au moment de ma nais­sance, en hiver, annon­çait, diront les magi­ciens, que je navi­gue­rais au bord des falaises, peu inter­pel­lé par les sirènes, plu­tôt soli­taire et enchaî­né à un mât rocheux sur un bateau de for­tune comme un vieux poète ne sachant pas gouverner.

Vénus, per­chée très haut dans le ciel, s’est pen­chée sur mon ber­ceau et m’a don­né une voix, une dou­ceur enflam­mée, un désir de tout connaître par les sens. Mer­cure, endor­mi dans ses eaux, a usur­pé le trône solaire, tire les ficelles. Je pos­sède les images, les drogues céré­brales d’un moine jon­quille. Saturne en Capri­corne, c’est du sérieux. Jupi­ter en Sagit­taire, accom­pa­gné de la Lune, c’est de l’enflure, des marées explo­ra­trices. Mars en Gémeaux me rend marion­nette, touche-à-tout et Plu­ton, ô le Mys­té­rieux, me rend vol­ca­ni­que­ment atti­ré par les yeux pro­fonds de cer­tains humains. Je sais écou­ter, je sais gué­rir, je sais être triste, par­fois heureux.

Je suis fait du mou­ve­ment des pla­nètes. Nous le sommes tous, cha­cun pos­sé­dant, mal­gré ce qu’en rient les savants, une mélo­die qu’il nous est libre de chan­ter ou pas. On gou­verne son des­tin comme on navigue sur un océan de pos­si­bi­li­tés et d’aléatoire. On ne peut le faire avec ce libre arbitre qui nous laisse croire que les petites, grandes forces de l’univers n’ont aucun effet sur nous. On doit écou­ter la géo­mé­trie du pas­sé, la forme des étoiles et du ciel. La réa­li­té, vide et pleine, est vaste autant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nous. Nos atomes et nos quarks auraient voya­gé dans le cœur de quelques étoiles et plas­mas. Notre âme, notre voix inté­rieure, replon­ge­rait inlas­sa­ble­ment dans la soupe des champs ances­traux. Qui sait ?

Plus on s’approche de la connais­sance, plus minces sont nos ailes qui fondent à vue d’œil. Plus on découvre, plus on est per­du et émer­veillé. Plus je vieillis, moins je com­bats. Je laisse grandes ouvertes les vannes de mon exis­tence. J’ai à la fois peur et cou­rage, suis triste et serein.

Quelqu’un peut-être m’appelle, un des­tin me tend sans doute ses bras. Or, mon corps semble tou­jours s’aveugler de pro­messes trop jeunes. Je suis tis­sé aux inébran­lables arché­types qui sculptent tant Saturne, Nep­tune, Plu­ton que mon père et ma mère.

Il neige en ce moment. Un air du nou­vel âge rem­plit la pièce de son humi­di­té incer­taine. Nos sym­boles sont notre orchestre, ils conti­nuent de tran­si­ter autour de nous. Je suis le chant de ma nais­sance et mon devoir est de l’apprendre par cœur, de le chan­ter sur tous les tons et moda­li­tés pos­sibles jusqu’à la fin pour ensuite lais­ser la com­po­si­tion à un autre marin. Le grand som­meil sera un jour sur moi. Est-ce de l’angoisse ou de la paix ?

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Classé dans :astrolabeastrologie

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